La réglementation du permis de conduire dans le code de la route et les peines accessoires y afférentes

25 فبراير 2021
La réglementation du permis de conduire dans le code de la route et les peines accessoires y afférentes

La réglementation du permis de conduire dans le code de la route et les peines accessoires y afférentes  

Les accidents de la circulation routière constituent aujourd’hui un véritable fléau qui n’épargne aucun pays en raison notamment de l’extension du parc automobile et de l’expansion démographique.

Ce phénomène aux conséquences tragiques, touche toutes les catégories sociales et engendre chaque année un bilan accablant de nombre de morts, de blessés graves et d’handicapés. En plus des nombreuses souffrances qui en découlent, ces accidents causent des pertes économiques considérables aussi bien aux familles des victimes qu’à l’Etat.

D’après les statistiques de l’Organisation Mondiale de la Santé, les accidents de la route ont entrainé en 2016 la mort de plus de 1,35 millions de décès dans le monde et 20 à 50 millions de blessés[1], dont bon nombre garde une invalidité à la suite de leurs blessures. Ceci en plus d’un coût avoisinant pour la plupart des pays trois pour cent de leur produit intérieur brut.

Les facteurs de risque à l’origine des accidents de la route sont nombreux, dont notamment : l’erreur humaine, l’excès de vitesse, la conduite en état d’ébriété ou sous l’influence de substances psychoactives, distraction au volant, état inadapté des infrastructures routières, état défectueux du véhicule, le non respect des règles du code de la route etc. Relève-t-on ainsi que la cause de ce fléau revient essentiellement au facteur humain.

En réaction à cette sombre réalité, les pouvoirs publics de par le monde ont été appelés à se pencher sérieusement sur les différentes problématiques de ce phénomène en instaurant les mesures qui s’imposent pour une meilleure sécurité routière.

Pour sa part, le Maroc profondément touché par cette hécatombe, et conscient de l’ampleur du défi, s’est avisé très tôt de la nécessité d’apporter les solutions adéquates à même de lutter efficacement contre le phénomène, ou du moins en limiter l’ampleur. C’est alors que le législateur marocain, en bâtissant sur l’existant déjà acquis du temps du Protectorat, et tenant compte du nouveau contexte du fait de l’explosion démographique, du développement des infrastructures routières et du parc automobile ainsi que des progrès incessants de la technologie, a procédé à une refonte ambitieuse du cadre juridique en la matière.

L’avènement de la loi 52-05, adoptée par dahir du 11 Février 2010, formant code de la route, constitue en effet une révolution dans la réglementation relative à la sécurité routière dans notre pays qui tient ainsi à se mettre au diapason des législations les plus avancées en se conformant aux meilleures pratiques consacrées dans ce domaine.

Convaincu du rôle important du facteur humain en tant qu’élément essentiellement  responsable dans la recrudescence des accidents de la route, le législateur a prévu une panoplie de mesures administratives et de sanctions pénales, visant à tout prix à assurer une meilleure sécurité routière, et ce conformément à l’orientation générale de la politique pénale du Royaume. Lesquelles mesures et peines revêtent parfois un caractère préventif et tantôt répressif.

Toutefois, la pratique a vite révélé, quelques années après l’entrée en vigueur de ce texte, un certain nombre de lacunes et insuffisances, ce qui amena le législateur à y remédier à travers l’adoption d’une nouvelle loi, à savoir ; la loi 116-14 modifiant et complétant la loi 52-05 formant code de la route.

Ainsi le code de la route désormais constitué par les deux textes de loi, a consacré une place importante à la réglementation relative au permis de conduire.

Le législateur se propose donc, à travers les dispositions du code de la route, de contrôler le comportement du conducteur en imposant d’emblée la nécessité d’être titulaire d’un permis de conduire en cours de validité, délivré par l’administration compétente, et en renforçant la réglementation de la délivrance de ce document selon la catégorie du véhicule (Première partie).

Il échet de noter par ailleurs que le droit de conduire n’est pas un droit absolu. Il peut en effet et à tout moment, faire l’objet d’un retrait, d’une suspension, d’une annulation, voire de la privation de la délivrance d’un nouveau permis de conduire. (Deuxième partie).

Première partie : Réglementation afférente au permis de conduire

Le permis de conduire peut être défini comme un droit administratif autorisant son titulaire à conduire sur une route publique un ou plusieurs véhicules motorisés dans une zone géographique donnée, généralement un pays. Son obtention est soumise à des conditions fixée par l’article 10 dont notamment l’exigence d’un âge minimum de 16, 18 ou 21 années grégoriennes révolues, selon la catégorie de véhicule, la satisfaction aux épreuves de contrôle des connaissances du code de la route, d’un certificat médical attestant des capacités physiques et mentales des postulants à ce document etc.

Afin d’inciter les conducteurs à mieux respecter les règles de circulation dans l’objectif de réduire l’insécurité routière, le Maroc, à l’instar des pays européens, a adopté le régime du permis à points.

Il s’agit d’un nouveau dispositif pédagogique en matière de sécurité routière. Le principe étant que chaque permis de conduire dispose d’un capital de points susceptible d’être réduit à chaque fois que le titulaire dudit permis commet une infraction sanctionnée par le retrait de points. L’épuisement du capital de points conduit à l’annulation du permis de conduire. A l’inverse, il est prévu un système souple permettant la récupération par le titulaire des points perdus.

Il convient à ce titre de noter que le législateur prévoit, autre que le permis de conduire national classique, d’autres types de permis de conduire :

  • Le permis de conduire de la période probatoire :

Il est délivré au candidat ayant suivi avec succès les épreuves de contrôle des connaissances du code de la route et de la conduite, pour une période probatoire de deux années. Ce permis est affecté d’un capital de 20 points (contre 30 points pour le permis de conduire définitif).

  • Le permis de conduire étranger 

Le code de la route autorise la conduite sur le territoire national au moyen d’un permis de conduire étranger. Les marocains résidants à l’étranger peuvent ainsi conduire sur le territoire national pendant une durée maximale d’un an à compter de la date de leur résidence définitive au Maroc, munis d’un permis de conduire en cours de validité.

De même, les personnes de nationalitéétrangèrepeuvent conduire sur le territoire marocain munis d’un permis de conduire en cours de validité qui leur a été délivré à l’étranger, et ce pour une durée ne dépassant pas une année à compter du début de leur séjour temporaire au Maroc.

A l’expiration dudit délai, les titulaires d’un permis délivré à l’étranger doivent se présenter aux épreuves pour l’obtention du permis de conduire marocain ou demander l’échange de leur permis de conduire en cas d’accord de reconnaissance des titres de conduites consacré par une convention.

Un arrêt de la Cour de Cassation[2] s’est d’ailleurs prononcé sur le sort du permis de conduire délivré par un pays étranger en cas de commission d’une infraction sur le territoire national. La Cour a ainsi cassé et renvoyé la décision prononçant l’annulation du permis de conduire étranger au motif que la convention de Genève, dans le 5ème alinéa de son article 24, donne le droit à l’Etat contractant de suspendre le permis de conduire délivré à l’étranger en cas de commission d’une infraction à son code de la route, et non de l’annuler comme l’a affirmé la décision attaquée.

  • Le permis de conduire international

L’article 4 de la loi 52-05 traite du permis international pour la circulation internationale, qui doit être établi sur un livret spécial et délivré par les organismes habilités par l’administration conformément à la convention internationale sur la circulation routière et dont la validité ne peut excéder une année.

  • La conduite professionnelle :

La conduite professionnelle est soumise à une autorisation délivrée par l’administration, conférant à son titulaire le droit de conduire les véhicules de transport de marchandises, les véhicules de transport public de voyageurs et touristique, les véhicules de transport du personnel et de transport scolaire, les taxis de première et deuxième catégories et les autobus de transport urbain.

Il existe par ailleurs une autre classification du permis de conduire, suivant cette fois-ci la catégorie à laquelle appartient le véhicule concerné. Ainsi, chaque catégorie de permis de conduire ne permet que la conduite de la catégorie des véhicules y correspondants tel que prévu à l’article 7 du code de la route.

Il ne fait aucun doute que le permis de conduire en cours de validité délivré par l’administration compétente est assurément le seul instrument juridique permettant à son titulaire de conduire la classe de véhicule auquel il correspond. Néanmoins, le droit de conduire n’étant pas un droit absolu, le législateur a prévu un ensemble de peines afférentes au permis de conduire, et a donc restreint ce droit dans certains cas bien définis. Ainsi, et en vertu des dispositions de la loi 52-05 formant code de la route, il est possible de suspendre, de retirer ou d’annuler le permis de conduire, voire de priver définitivement du droit d’obtention d’un nouveau permis de conduire.

Deuxième partie : Les peines relatives au permis de conduire

  • La suspension et le retrait du permis de conduire :

Le législateur n’a pas donné une définition juridique aux notions de suspension et de retrait du permis de conduire. 

On peut toutefois définir la suspension comme étant une mesure de sûreté provisoire, en ce qu’elle ne constitue qu’une privation temporaire du permis de conduire, et ce jusqu’à la cessation du fait justifiant cette suspension ou après écoulement de la durée de la suspension. Après quoi, l’intéressé peut récupérer son permis de conduire. Elle n’implique pas dans ce cas de repasser les épreuves du code et de la conduite pour reprendre ledroit de conduire.

Quant au retrait du permis de conduire, bien qu’il revête un caractère provisoire tout comme la suspension, cette mesure reste liée aux capacités physiques et mentales du titulaire du permis de conduire. Ainsi, si le retrait du permis intervient lorsqu’une inaptitude est observée chez son titulaire, il est aussitôt restitué une fois qu’il est établi que ce dernier est redevenu apte à conduire en vertu d’un examen médical effectué selon les modalités prévues par la loi.

La suspension du permis de conduire peut être administrative ou judiciaire. On se contentera ici de traiter essentiellement de l’aspect judiciaire de cette mesure.

La suspension judiciaire est prononcée par une juridiction en tant que peine accessoire aux côtés d’une peine principale, et ce, dans les cas prévus par le code de la route. L’on peut citer à ce propos les délits de blessures involontaires ou d’homicide involontaire consécutifs à un accident de la circulation, ou encore la conduite en état d’ivresse ou sous l’empire d’un état alcoolique.  

D’autre part, et en considération de la nature juridique de la suspension du permis de conduire en tant que peine accessoire prononcée à l’issu d’une décision judiciaire, il en ressort qu’il s’agit d’une peine qui ne peut être assortie de circonstances atténuantes telles que prévues par les règles générales du code pénal. Par voie de conséquence, le juge pénal ne peut prononcer une durée de suspension du permis de conduire en deçà de la limite minimale prévue par la loi en arguant des circonstances atténuantes en tant que procédé dont il dispose pour apprécier les faits qui lui sont soumis.

Il apparait à propos des délits sanctionnés par une peine principale assortie de la peine accessoire de la suspension du permis de conduire, que les durées de suspension prévues diffèrent selon que l’infraction routière commise est accompagnée ou non d’un ou de plusieurs faits aggravants.

La Cour de Cassation[3] a fermement établi à cet égard que seules les peines principales peuvent être appliquées en dessous de leur seuil minimum par les juges de fond dès lors qu’ils ont décidé de faire bénéficier le condamné de circonstances atténuantes sous réserve de motiver leur décision. L’effet juridique des circonstances atténuantes ne saurait s’appliquer aux peines accessoires. Ainsi, la jurisprudence a tranché cette question qui divisait les juges de fond.  

  • L’annulation du permis de conduire

L’annulation du permis de conduire est l’annulation du droit de conduire tout véhicule pour lequel le permis est obligatoire. Le législateur ne s’est par contre pas soucié de distinguer l’annulation de la notion de retrait, c’est ce qui ressort du moins de l’article 18 du code de la route.

En effet, il y est prévu qu’à la suite d’une inaptitude physique ou mentale établie par une visite médicale effectuée conformément aux modalités prévues par la loi, et à l’issue de laquelle le médecin ayant procédé à cette visite délivre à l’administration compétente un certificat médical établissant que le conducteur est atteint d’une maladie ou d’une incapacité qui le rend inapte à conduire sur la voie publique, le permis de conduire est retiré ou annulé.

L’annulation du permis de conduire intervient également lorsque le capital de points y étant affecté est épuisé.

Aussi, en cas d’homicide involontaire consécutif à un accident de la circulation, accompagné d’un ou plusieurs des faits aggravants énumérés au 2ème alinéa de l’article 172 du code de la route, l’auteur encourt l’annulation du permis de conduire.

La Cour de Cassation a justement consacré ces dispositions par un arrêt[4] déclarant que « le tribunal est tenu – en cas d’homicide involontaire résultant d’un accident de la circulation causé par un conducteur en état d’ivresse avec délit de fuite – d’annuler le permis de conduire avec interdiction de passer l’examen pour l’obtention d’un nouveau permis pendant une durée de deux à quatre ans avec l’obligation de se soumettre à une session d’éducation à la sécurité routière selon les dispositions de l’article 173 du code de la route. Or, en déclarant le prévenu coupable d’homicide involontaire consécutif à un accident de la circulation, de la conduite en état d’ivresse et sous l’empire d’un état alcoolique avec délit de fuite, et en se limitant à la suspension du permis de conduire pour une période d’une année seulement, confirmant alors le jugement de première instance, la décision attaquée a ainsi violé les dispositions du code de la route ».

  • La privation de la délivrance d’un nouveau permis de conduire :

L’interdiction de l’obtention d’un nouveau permis de conduire est une peine accessoire prévue dans certains cas, dont notamment :

  • la conduite d’un véhicule sans permis de conduire ou avec un permis non correspondant, dans lequel cas le contrevenant est puni d’une amende de 2 000 à 4 000 DH, ainsi que de la privation de la délivrance du permis de conduire pour une durée maximum de 3 mois.
  • La récidive est punie d’une amende de 8 000 à 20 000 DH, la durée de la privation étant alors portée au double.
  • Ces dispositions s’appliquent également aux personnes conduisant, sans permis de conduire, des véhicules agricoles ou forestiers à moteur ou d’engins de travaux publics lorsqu’elles empruntent la voie publique.
  • Il en va de même pour le cas de l’homicide involontaire consécutif à un accident de la circulation, accompagné d’un ou plusieurs des faits aggravants énumérés au 2ème alinéa de l’article 172 du code de la route, pour lequel l’auteur encourt l’annulation du permis de conduire avec interdiction de passer l’examen pour l’obtention d’un nouveau permis pendant une durée de deux à quatre ans.

Il apparait enfin que le législateur s’est plus focalisé sur l’élément humain en tant qu’acteur principal visé par la politique pénale de prévention des accidents de la circulation à travers une réglementation répressive du permis de conduire. Aussi, le rôle accompagnateur de la jurisprudence contribue efficacement à la consécration des mécanismes mis en œuvre en vue de juguler ce fléau et participer activement au renforcement de la sécurité routière.

Néanmoins, le législateur sera constamment appelé à accompagner l’évolution incessante de l’environnement routier pour ajuster, selon les circonstances ambiantes, la législation qui constitue le moyen essentiel de lutte contre le phénomène des accidents de la route.

Références

  • [1] « Rapport de situation sur la sécurité routière dans le monde » 2018, l’Organisation Mondiale de la Santé.
  • 2 Arrêt de la CC n­ 825/2, en date du 1er Juin 2016, Dossier délictuel n 3959/2015.
  • 3 Arrêt de la CC n­ 552/2, en date du 20 Avril 2016, Dossier délictuel n 17161/2015.
  • 4 Arrêt de la CC n350/42, en date du 9 Mars 2016, Dossier délictuel n 1024/2015.